Indemnisation du préjudice professionnel : l'inaptitude doit être prouvée
Dans de nombreux dossiers que nous suivons au sein du cabinet VJP AVOCATS, la question de l’indemnisation du préjudice professionnel se révèle centrale, notamment lorsque la victime est déclarée médicalement inapte à l’emploi qu’elle exerçait au moment du fait dommageable. Pourtant, cette inaptitude ne suffit plus, à elle seule, à garantir une indemnisation intégrale de la perte de revenus. La jurisprudence récente impose désormais à la victime une démonstration plus rigoureuse et plus complète de son impossibilité réelle à se réinsérer dans le monde du travail.
Réparation intégrale et non-mitigation : deux principes en tension
Le droit du dommage corporel repose depuis toujours sur un fondement cardinal : celui de la réparation intégrale. La victime doit être replacée, autant que possible, dans la situation qui aurait été la sienne si l’accident ou l’agression ne s’était pas produit. Ce principe interdit aussi bien l’enrichissement que la perte injustifiée.
Mais à ce principe s’en juxtapose un autre, tout aussi essentiel : celui dit de « non-mitigation », selon lequel la victime n’est pas tenue de réduire son préjudice dans l’intérêt du responsable ou de son assureur. Autrement dit, elle ne saurait être tenue de prouver qu’elle a cherché activement un nouvel emploi ou suivi une reconversion, dès lors que l’atteinte corporelle compromet effectivement son retour au travail.
Ces deux principes entrent aujourd’hui en tension. En effet, les juridictions exigent de plus en plus fréquemment que la victime rapporte la preuve d’une impossibilité totale et définitive d’exercer toute activité professionnelle rémunératrice, au-delà de son seul poste initial.
Perte de gains professionnels futurs : exemples d'une jurisprudence plus stricte
Plusieurs arrêts récents sont venus baliser strictement les conditions d’indemnisation du poste des pertes de gains professionnels futurs.
Ainsi, la Cour de cassation rappelle de manière constante que la seule inaptitude au poste occupé avant l’accident ne suffit pas à ouvrir droit à une indemnisation intégrale. Dans un arrêt du 7 novembre 2024 (n° 23-12243), la deuxième chambre civile a censuré une cour d’appel ayant accordé une indemnisation pleine à une victime pourtant inapte à toute activité de manipulation d’argent, au motif qu’aucune impossibilité générale d’activité n’avait été établie.
De même, dans un autre arrêt du même jour (n° 23-12369), un jeune ouvrier nautique, bien qu'incapable de porter des charges lourdes ou de rester debout, s’est vu refuser une indemnisation complète, la Cour considérant que ces restrictions ne démontraient pas une impossibilité totale de travail.
Les cours d’appel suivent cette orientation. La cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 20 juin 2024 (n° 23/02185), rappelle expressément que seule la privation de toute activité professionnelle peut justifier une perte totale de gains futurs. La cour de Versailles (6 mars 2025, n° 23/06580) a, pour sa part, souligné qu’il ne suffisait pas d’être inapte à son ancien emploi pour justifier une perte de gains professionnels, sauf à caractériser une inaptitude globale et définitive.
Autre exemple de jurisprudence concernant une perte de gains professionnels futurs
Préjudice professionnel : divergence entre chambre civile et criminelle
Plus préoccupant encore, une divergence de jurisprudence semble s’installer entre la première chambre civile et la chambre criminelle de la Cour de cassation.
La première chambre civile, dans un arrêt du 5 juin 2024 (C.Cass 1ère, 5 juin 2024, n° 23-12.693), a cassé une décision limitant à 30 % la perte de gains futurs d’une victime au motif qu’elle n’avait pas recherché d’emploi compatible. Elle affirme avec fermeté qu’il ne peut être reproché à une victime de ne pas avoir tenté de réduire son préjudice, conformément au principe de non-mitigation.
Mais, dans un arrêt du 22 mai 2024 (C.Crim, 22 mai 2024, n° 23-82.958), la chambre criminelle valide une réduction de moitié de l’indemnisation, considérant qu’un emploi adapté restait envisageable, même si la victime le jugeait hypothétique. La même chambre a confirmé cette position dans un arrêt du 18 juin 2024 (Crim, n° 23-85.739), sanctionnant une cour d’appel ayant pourtant relevé l’inaptitude, le licenciement, l'absence de qualification et le statut de travailleur handicapé de la victime. Pour la Cour, seule compte la preuve qu’aucune activité, même adaptée, n’est envisageable.
Notion d’employabilité : un nouveau critère d’indemnisation du préjudice ?
Face à ces exigences croissantes, la notion qui semble désormais faire référence est celle d’employabilité. Il ne s’agit plus seulement de mesurer la capacité fonctionnelle de la victime, mais d’évaluer concrètement ses chances de retrouver un emploi dans un environnement socio-économique donné.
Ainsi, le simple fait que la victime conserve une capacité physique résiduelle ne suffit plus à exclure l’indemnisation. Encore faut-il que cette capacité soit mobilisable dans un contexte professionnel réel. L’âge, le niveau de formation, le bassin d’emploi, les moyens de transport, la situation familiale, le statut de travailleur handicapé, le contexte économique local… autant de paramètres à intégrer pour caractériser une inemployabilité de fait, au-delà du seul diagnostic médical.
C’est dans cette direction que s’orientent certains juges du fond, mais les décisions restent hétérogènes. L’enjeu est désormais de démontrer, non plus seulement une impossibilité médicale, mais une absence de perspective professionnelle réaliste, malgré la volonté de la victime.
Rôle de l’avocat dans la démonstration du préjudice professionnel de la victime
Dans ce contexte évolutif, le rôle de l’avocat s’intensifie. Il ne s’agit plus uniquement de faire constater les séquelles médicales ou l’inaptitude à l’emploi antérieur. Il faut désormais construire un véritable dossier d’employabilité, intégrant des éléments concrets et documentés sur la situation socio-professionnelle de la victime.
Cela suppose notamment :
- de solliciter des expertises médico-professionnelles approfondies,
- de produire des attestations sur les démarches entreprises,
- de contextualiser la situation dans le marché du travail local,
- de faire valoir les obstacles économiques, logistiques, psychologiques ou familiaux au reclassement.
En parallèle, il convient de distinguer clairement les pertes de gains professionnels futurs – qui supposent une impossibilité totale – de l’incidence professionnelle, qui vise les pertes de chance, les efforts d’adaptation ou les changements de poste subis.
Perte de gains professionnels futurs ou incidence professionnelle : quelles différences ?
Défendre une indemnisation vraiment intégrale du préjudice professionnel
L’évolution de la jurisprudence récente montre une volonté croissante de rationalisation, parfois au détriment du principe de réparation intégrale. La reconnaissance d’un préjudice professionnel ne saurait se réduire à l’analyse abstraite de capacités physiques résiduelles. Elle doit s’appuyer sur une vision concrète, sociale et réaliste de la situation de la victime.
Plus que jamais, les victimes ont besoin d’être accompagnées, écoutées, défendues. C’est l’engagement quotidien du Cabinet VJP AVOCATS : porter leur voix, faire reconnaître leur préjudice, obtenir une réparation juste et complète.
L’approche du Cabinet VJP AVOCATS
Classé 5 étoiles dans le classement Le Point / Statista 2025 pour son excellence en droit du dommage corporel, le Cabinet VJP AVOCATS s’engage auprès de chaque victime pour défendre une vision rigoureuse et humaine du préjudice professionnel.
Dans un contexte où certaines juridictions tendent à réduire les droits des victimes à une lecture comptable et abstraite des faits, nous militons pour une prise en compte globale et individualisée de l’impact socio-professionnel des séquelles.
Notre équipe pluridisciplinaire – avocats, assistante sociale, juristes, médecins conseils indépendant diplômés en Réparation juridique du Dommage Corporel – œuvre à documenter chaque situation avec précision, afin de démontrer que, bien souvent, la possibilité théorique d’un emploi ne reflète pas une véritable opportunité de reclassement.
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