Le 17 juillet 2023, après 5 ans d'absence, s'est tenu un Comité Interministériel de Sécurité Routière présidé par Madame Elisabeth BORNE, Première Ministre. Bien avant la tenue de ce CISR, le Gouverneent avait pris soin de faire savoir que la décision de créer un délit d'homicide routier avait été prise. Cette annonce d'affiche ne devait être que la première d'une série visant à redonner à la lutte contre l'insécurité routière ses lettres de noblesse. Après plusieurs années de profond désintérêt pour la sécurité routière, le Gouvernement semble vouloir tenter de démontrer qu'il veut reprendre la main après les drames médiatiques du premier semestre de l'année 2023.
Maître Vincent JULE-PARADE, avocat spécialisé dans la défense des victimes de la route, et ancien vice-président de l'Association Victmes et Citoyens (2004-2013) précise en quoi la mesure phare de ce plan d'action, l'instauration d'un délit d'homicide routier, ne changera finalement rien aux drames que vivent les victimes et ne constitue, selon lui, qu'une mesure comestique visant à masquer le manque d'engagement profond du Gouvernement sur cette problématique.
La Première ministre a annoncé réunir ce lundi à un Comité Interministériel de Sécurité Routière, dont l’une des annonces par devrait être à la création de l’homicide routier.
Cette nouvelle qualification de l’infraction homicide involontaire aggravé a été et demeure largement sollicité par les associations de victimes de la route et leur famille. Cette reconnaissance de la précificité de la mortalité routière demeure leur victoire. L’un des enjeux de cette nouvelle qualification est de contourner le terme d’involontaire très souvent difficilement compréhensible par les victimes et leurs familles. Mais derrière cette revendication se cache principalement un profond malaise entre les familles de victimes et le système judiciaire qui semble ne pas les prendre en considération.
Quotidiennement je suis confonté au nécessaire mais très difficle effort pédagogique afin de faire comprendre le sens du caractère involontaire d'une infraction en droit pénal auprès de mes clients. Sans doute cette annonce en satisfera beaucoup, convaincu que l'on va enfin mettre des mots sur le drame qu'ils et qu'elles vivent.
J’avoue, bien qu’étant avocat de victimes de la route et ancien militant de la lutte contre l’insécurité routière, demeurer néanmoins quelque peu perplexe quant à cette création.
À mon sens, par l’annonce de cette qualification, le gouvernement et particulièrement le ministre de L’Intérieur a souhaité réagir face à l’émotion suscitée par l’affaire Palmade. Mais à la vérité, peut-on réellement croire que cette création aura une vertu préventive ?
J’ose en douter. En effet, sans surprise, l'appelation chnage mais le fonds reste identique. La peine maximale encourue en cas d’homicide routier ne pourra excéder 10 ans, soit le même quantum que celui actuellement encouru en cas d’homicide
involontaire aggravé par deux circonstances aggravantes, mais jamais prononcés…
À tout le plus peut-on espérer que cette qualification incite les tribunaux à prononcer des peines plus lourdes, ce dont je doute là encore.
Ainsi, derrière ce changement sémantique, seul le souci de ménager les familles de victimes trouverait une justification.
Par le terme d’homicide routier, c’est aussi la question du caractère involontaire de l’infraction qui semble être remise en cause. Pourtant, le juriste connaît lui la différence fondamentale entre infractions volontaires et involontaires fondée sur la recherche d’un résultat précis. Or, la seule mise prise de risque, si volontaire soit elle, si délibérée soit-elle, ne peut constituer en tant que telle une recherche volontaire d’un résultat.
Ainsi, je crains que dernière la création de ce délit d’homicide routier ne se cache qu’une mesure cosmétique cachant l’absence de vision réelle d’un gouvernement qui, jusqu’à l’affaire PALMADE et au drame de Roubaix, n’a jamais semblé avoir le moindre intérêt pour la sécurité routière. De plus, c’est ignorer les véritables raisons de la défiance des victimes de la route à l’égard de la Justice, qui, à bout de souffle, les rend victimes une seconde fois. Aux délais interminables, à l’absence d’information de la victime, à l’absence de moyens donnés aux magistrats et aux greffiers, l’homicide routier ne pourra rien.
Au côtés de l'homicide routier, plusieurs autres mesures sont annoncées.
Si l'objectif est beau, force est de constater qu'il manque l'essentiel, les moyens mis sur la table pour y parvenir.