Un ressortissant français victime d’une infraction pénale survenue à l’étranger est recevable à saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction (CIVI) et a être indemnisé en application de la loi Française. Ceci s’appliquait également aux accidents de la route survenus à l’étranger, lesquels étaient exclus de la loi Badinter du 5 juillet 1985. Depuis plusieurs années, le Fonds de Garantie des Victimes (FGTI) invoquait l’incompétence des CIVI en cas d’accidents de la route survenus en Europe. Bien que cette position puisse apparaitre juridiquement discutable, la Cour de Cassation vient de la consacrer aux termes d’un arrêt rétrograde en date du 24 septembre 2020. Ainsi, mieux vaudra ne pas être victime d’un accident dans certains pays européen ayant consacré la barémisation des préjudices…
S’il est des fois où la Cour de cassation œuvre pour l’amélioration de la prise en compte des victimes, force est de constater qu’elle nous réserve également des décisions dont la portée n’ont pour effet que de faire reculer le droit des victimes.
L’arrêt du 24 septembre 2020, rendu par la 2e Chambre civile (Cass. Civ. 2e, 24 septembre 2020, n°19-12.992), en est un bel et malheureux exemple. Déjà, un arrêt du mois de décembre était venu piétiner une jurisprudence constante protectrice du droit des victimes d’accident de transport ferroviaire. Il est vrai que la SNCF avait œuvré de tout son poids pour mettre un terme à une position pesant peser sur elle une obligation de sécurité de résultat à l’égard des voyageurs transportés. Aujourd’hui, le cadeau de la Haute Cour bénéficie au Fonds de Garantie des Victimes d’Actes et Terrorisme et autres infractions (FGTI).
Jusqu’à cet arrêt, une victime d’accident de la route survenu à l’étranger pouvait saisir une juridiction française, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) et bénéficier de la loi française, plus protectrice des intérêts des victimes de dommages corporels. Peu importait le pays où l’accident s’était produit. Dès que cet accident était survenu à l’étranger et pour peu qu’il découle d’une infraction pénale au sens de la loi Française, la CIVI était compétente. Ce faisant, la victime pouvait se voir appliquer le fondamental principe de réparation intégrale, inhérent au droit français. Elle évitait ainsi de se voir appliquer certains droits nationaux pour lesquels la réparation du dommage corporel n’est qu’une lointaine donnée. La victime évitait surtout de se voir appliquer un droit étranger, parfois difficilement compréhensible, ainsi que des procédures à l’étranger. L’esprit protecteur de la loi Française trouvait tout son sens. Sous couvert des dispositions du Code de Procédure Pénale, la victime d’un accident de la circulation survenu à l’étranger pouvait donc voir une expertise ordonnée en France et une indemnisation assurée par le FGTI. Dans ces procédures, le FGTI était un difficile adversaire, tentant par tous les moyens de réduire à néant les chances pour la victime de se voir indemnisée.
Depuis plusieurs années, le FGTI plaidait devant les CIVI l’incompétence de celles-ci en cas d’accidents de la route survenus en Europe. Derrière quelques arguments peu convaincants l’enjeu était de taille : décharger le FGTI d’une charge indemnitaire non négligeable. Quelques CIVI ont tout d’abord accueilli les arguments du FGTI. Puis quelques Cours d’appel. La position de la Cour de cassation était donc attendue. Par son arrêt du, la Haute cassation signe une décision bien désolante pour les victimes. D’un point de vue strictement juridique, l’on peine à justifier cette exclusion des accidents de la route survenus en Europe du périmètre de l’article 706-1 du Code de procédure pénale. Il semble surtout s'agir d’une décision d’opportunité. Cette décision doit inquiéter les victimes et leurs défenseurs.
Désormais, des français victimes d’un accident en Espagne ne pourront plus échapper à la barémisation du droit ibérique. Des victimes par ricochet ayant perdu leur proches dans un accident en Allemagne se verront opposer l’exclusion de l’indemnisation du préjudice d’affection prévue par le Droit Allemand. S’il ne s’agit que des accidents survenus en Europe, qu’en sera-t-il demain des accidents de la route survenu ailleurs ? Une fois de plus, par la volonté sans faille dont il a fait preuve pour obtenir cette décision, le FGTI démontre qu’il ne faut pas voir en lui un allié dans la défense des victimes.