Il est des êtres qui s’en vont dans la plus grande discrétion. C’est le cas de Paul MENTRE qui est décédé le 3 janvier 2020. Pour le plus grand nombre, Paul MENTRE restera Haut fonctionnaire, Directeur adjoint du Cabinet de Valérie GISCARD D’ESTAING, Conseiller de la France au FMI, Président du Crédit National mais aussi Président de la Communauté de Communes de Deauville-Trouville Côte Fleurie. Mais Paul MENTRE aura aussi été Président de l’Association Victimes et Citoyens contre l’insécurité routière. A ces côtés, j’en ai été le Vice-Président de 2004 à 2013. Cette collaboration mérite ces quelques mots, cinq mois après sa disparition, pour lui rendre hommage.
J’ai rencontré Paul MENTRE pour la première fois en 1997, lors d’une soirée organisée sur la Corniche, à Marseille. J’avais 14 ans à l’époque. La rencontre fut brève et peu mémorable pour l’adolescent que j’étais.
Ce n’est que 7 ans plus tard que nos routes de croisèrent réellement. Nous étions en novembre 2004. Christiane CELLIER venait d’annoncer son choix de fermer la Fondation Anne-Cellier, créée en 1987 à la suite du décès d’Anne. Cette décision, bien que parfaitement compréhensible, avait été quelque peu brutale. Depuis 5 ans, je me consacrais à la branche « Jeunes » de la Fondation, la Fondation Anne Cellier Junior. L’arrêt de la Fondation ne pourra signifier l’arrêt de notre engagement collectif et de mon engagement personnel.
C’est alors que j’ai revu Paul MENTRE. Il venait de prendre la présidence d’une association, créée quelques années auparavant, baptisée « Victimes en Colère ». Cette association vivotait sans réellement trouver un réel mode d’action. Il lui manquait des bras, des bénévoles, des moyens. Cette coquille vide, néanmoins remplie de bonne volonté, demeurait inactive.
L’appellation n’était d’ailleurs pas très heureuse. « Victimes en Colère » n’était objectivement pas un bon nom, trop vindicatif, trop dur. Elle rappelait celle des « Motards en colère », et l’image qui allait avec. « A force d’être en colère, on ne réfléchit pas » avait jugé un jour Christiane Cellier. L’association fut rebaptisée VICTIMES & CITOYENS et j’en pris la vice-présidence. Avec Paul MENTRE, nous avons mobilisé force et énergie pour en faire rapidement un digne successeur de la Fondation.
Nous y sommes parvenus. En quelques mois, l'Association était reçue à la Délégation Interministérielle à la Sécurité Routière, aux Ministères des Transports, de la Justice et de l'Education Nationale.
Avec ceux des bénévoles de l’ancienne Fondation qui nous avaient rejoints, nous avons poursuivi le combat. Auprès des institutionnels tout d’abord. Inspecteur Général des Finances, fin connaisseur des rouages de l’Etat, Paul avait, à l’instar de Christiane Cellier, le talent des relations avec les décideurs politiques. Il savait parler d’égal à égal avec les hauts commis de l’Etat, qu’il connaissait personnellement, qu’il s’agisse de Gilles de Robien, Dominique Perben ou encore Dominique Bussereau.
Je ne compte pas les réunions en sa présence, les attentes dans les antichambres des Ministères. Je me souviens de Paul, toujours ponctuel, portant à bout de bras l’ensemble des des titre de la presse du jour au premier rang desquels Le Monde, réuni dans un sac. Souvent, à l'issue des débats techniques touchant à la sécurité routière, Paul invitait ses interlocuteurs à débattre de tel papier, de telle exposition, de telle production à l’Opéra.
Paul était une encyclopédie ambulante, courant les musées et les salles de représentation. Pour être sûr de le voir, il suffisait de se rendre au Festival du film américain de Deauville, ou au Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence. Je garde notamment le souvenir d’une expédition furtive à Beaubourg, entre deux réunions à l’Arche de la Défense, durant la pause du déjeuner. « Venez, vous ouvrirez votre esprit ! » m’avait-il lancé devant mon manque d’enthousiasme flagrant face à l’invitation. Il lui arrivait de disparaitre plusieurs jours avant de réapparaitre, en veillant à nous faire partager sa découverte culturelle furtive.
Politique avant tout, Paul MENTRE savait, lors des réunions et des manifestations, cibler un point à développer, qu’il maitrisait parfaitement, et veillait à ne pas s’en éloigner. Il laissait alors aux autres, dont moi, la charge d’aborder le reste et d’entrer dans le détail.
Président discret, il n’en demeurait pas moins attentif et vigilant. Jamais il ne faisait preuve d’un quelconque snobisme intellectuel envers ses interlocuteurs quelqu'ils furent et qu’il nommait en veillant à faire précéder leur nom des termes de "citoyen" ou "citoyenne". Il savait garder son calme olympien lors de nos réunions de bureau, parfois assommantes, au cours desquelles d’aucuns s’employaient à imposer leur point de vue de façon parfois autoritaire. Un soupir suffisait à manifester son agagement.
Il ne négligeait jamais d’assister aux manifestations de l’association. Ensemble, nous avons parcouru les auto-écoles parisiennes au cours de l’année 2005 pour sensibiliser les apprentis conducteurs aux dangers de la routes. Nous avons organisé des déjeuners-débats sur le droit des victimes, notamment chez Marc Veyrat, alors Parrain de l’association, en 2006.
Je garderai de Paul le souvenir d’un esprit vif et passionné, vivant parfois dans son monde. Il demeurera parmi ceux qui m’auront, peut-être sans le savoir, appris et permis de devenir qui je suis.
Je tiens à l’en remercier.
Vincent Julé-Parade, Avocat à la Cour