Aggravation situationnelle : la Cour de cassation ouvre la voie à une nouvelle indemnisation après la naissance d’un enfant
Dans un arrêt remarqué du 28 mai 2025, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a consacré un principe majeur : un changement dans la vie personnelle d’une victime, comme la naissance d’un enfant, peut justifier la réouverture du dossier d’indemnisation et l’octroi d’une nouvelle réparation.
Cette décision marque une étape importante : elle consacre la notion d’aggravation situationnelle et confirme que l’indemnisation d’une victime n’est pas figée dans le temps. Même après la consolidation médicale, de nouveaux besoins peuvent apparaître et doivent être pris en compte.
Cependant, la Cour de cassation rappelle également que les simples progrès technologiques — comme l’arrivée de prothèses plus performantes — ne suffisent pas à justifier une nouvelle indemnisation si le besoin de la victime n’a pas changé.
L’aggravation situationnelle : une avancée majeure pour les victimes
La naissance d’un enfant, un fait générateur nouveau
Dans l’affaire jugée, un homme, victime amputée et indemnisée depuis près de vingt ans, devient père de deux enfants après la liquidation initiale de ses préjudices. Aucune aggravation clinique n’est constatée : son état séquellaire est stable. Pourtant, la naissance de ses enfants transforme radicalement son quotidien.
Porter, accompagner, surveiller de jeunes enfants lorsqu’on est amputé suppose un besoin accru d’assistance humaine. Jusqu’ici, son indemnisation ne couvrait pas ces besoins nouveaux.
Les assureurs soutenaient que le dossier était clos et que le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 2226 du Code civil était dépassé. Mais la Cour de cassation adopte une approche protectrice :
« Ayant relevé que M. [V] avait eu deux enfants postérieurement à la précédente indemnisation judiciaire, la cour d'appel, qui a mis en évidence un préjudice économique nouveau, indépendant de l'état séquellaire de la victime, n'ayant pas été indemnisé par le jugement antérieur à la naissance des enfants, a exactement retenu que, du fait de cette aggravation situationnelle du préjudice de l'assistance par une tierce personne, la demande à ce titre n'était pas prescrite. »
Cass. civ. 2, 28 mai 2025, n° 23-14.915
L’enseignement est clair : la naissance d’un enfant constitue un événement nouveau qui relance le délai de prescription. Vous disposez donc d’un nouveau délai de dix ans pour demander une indemnisation complémentaire.
Une nouvelle catégorie de préjudice reconnue
L’arrêt du 28 mai 2025 introduit une distinction essentielle :
- Aggravation médicale : lorsque l’état de santé se dégrade.
- Aggravation économique : lorsque de nouvelles pertes financières apparaissent.
- Aggravation situationnelle : lorsqu’un changement de contexte de vie crée des besoins supplémentaires, indépendamment de l’évolution médicale.
Les exemples sont nombreux :
- la naissance d’un enfant nécessitant davantage d’aide humaine ;
- la perte d’un proche aidant ;
- un déménagement dans un logement moins accessible ;
- une évolution professionnelle exigeant de nouvelles contraintes physiques.
La consolidation médicale ne marque donc pas la fin de vos droits : vos besoins évoluent, votre indemnisation peut évoluer aussi.
Les limites fixées par la Cour : les simples progrès technologiques ne suffisent pas
Si l’arrêt du 28 mai 2025 élargit la protection des victimes, la Cour de cassation maintient une frontière claire : l’évolution technique seule ne permet pas de rouvrir un dossier.
- Cette limite est confirmée par un précédent arrêt du 15 juin 2023 (Cass. civ. 2, n° 21-14.197). Dans cette affaire :
- Une victime d’accident, indemnisée en 2000, avait sollicité en 2015 la prise en charge de prothèses et fauteuils roulants plus performants, certains destinés à la pratique du handisport.
- Une expertise médicale conclut à l’absence d’aggravation clinique.
- La Cour de cassation rejette la demande : les besoins étaient connus dès la consolidation, et aucun besoin fonctionnel nouveau n’avait été démontré.
L’attendu de principe est clair :
« En l’absence d’aggravation de l’état de santé de la victime, la demande d’indemnisation de frais liés à l’acquisition de prothèses et de fauteuils roulants plus performants ne constitue ni une aggravation situationnelle ni un préjudice nouveau et se prescrit par dix ans à compter de la consolidation. »
Cass. civ. 2, 15 juin 2023, n° 21-14.197
En résumé :
Les progrès technologiques ne suffisent pas. Pour rouvrir votre dossier, il faut prouver un besoin nouveau : plus d’aide humaine, des contraintes physiques accrues, ou un bouleversement dans la vie quotidienne.
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